veganisme
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Bribes sur le véganisme : la végéphobie.
- Le 16/05/2022
La végéphobie: qu'est-ce ?
La végéphobie est la négation de la possibilité du végétarisme. Le but est de tourner en ridicule les partisans de ce régime, pour au fond, se moquer des animaux. Frapper les uns, pour frapper les autres. Les animaux sont alors vus comme des personnes insensibles qui n’ont pas de besoins de vie et de liberté (Chauvet, 2008).
Divers comportements ont pour but de dissuader quiconque de remettre en question les pratiques spécistes. En tant qu’opposants à la domination humaine, à la consommation de viande, les végétaliens sont confrontés à des réactions violentes. Une solidarité s’organise facilement contre ceux-ci, des moqueries très fréquentes peuvent aller jusqu’à une sensation d’harcèlement pour ceux qui les subissent, certains préfèrent alors ne plus mettre en avant leur choix alimentaire (ibidem). Chauvet (2008) détaille les différentes sortes de railleries que peuvent vivre les végétaliens :
- la sensibilité : les moqueries liées à la sensibilité tentent de montrer que l’implication du végan est irrationnelle, qu’elle repose sur des émotions puériles, de la « sensiblerie ». Celle-ci peut renvoyer à un manque de maturité (« Ça te passera ! ») ou à une certaine féminité (« Tu n’es qu’une fillette ! ») ;
- le goût de la viande : « moi j’adore la viande, tu ne sais pas ce que tu rates ! ». Le but est de réduire la disproportion entre l’intérêt des animaux à vivre et l’intérêt des humains à les manger ;
- la possibilité du végétalisme : « mais tu manges quoi, alors ?! ». Il est courant qu’un végétalien ne puisse avoir de plat végétalien au restaurant ou en famille. Fréquemment, il se voit servir « innocemment » un produit d’origine animale. Il ne pourra donc pas manger ou devra se forcer. S’il ne mange pas ce qu’on lui a servi, il lui sera reproché d’avoir une attitude non convenable socialement, et d’avoir un mode alimentaire en quelque sorte invivable ;
- les végétaliens invisibles, le déni : la négation de la possibilité du végétalisme est une violence symbolique, elle revient à une négation de la propre existence de la personne. À force d’entendre que les végétaliens n’existent pas, ceux-ci se sentent anormaux, marginaux. Le véganisme, et même déjà le végétarisme, sont en quelque sorte un sujet tabou : c’est comme si ce mode de vie n’existait pas. Il n’y a la plupart du temps pas de menus adaptés au restaurant ; le végétarisme des personnes célèbres n’est pas mentionné dans leur biographie, etc.
- des motivations éthiques invisibles ou la dévalorisation de l’éthique : le végétarisme est souvent dépolitisé. Les arguments expliquant le refus de consommer des produits d’origine animale sont passés sous silence. En effet, ce mode de vie est fréquemment présenté comme un choix individuel, se basant sur des caractéristiques psychologiques propres à la personne, en quelque sorte une difficulté à s’adapter à la société. Le but est de ne pas faire passer le message qu’ils tentent de transmettre, de nier l’aspect éthique et politique de leur choix.
- le refrain du tout-se-vaut ou le relativisme : une discussion prend parfois fin lorsque cette pensée est exprimée : « chacun pense ce qu’il veut ». Si chacun pense en effet ce qu’il veut, cela signifie que toutes les opinions peuvent être respectées. De cette sorte, le carniste met fin à la discussion car implicitement, cela revient à dire « je respecte ton choix de vie, donc respecte le fait que je mange de la viande ».
- les objections absurdes : « la salade, elle vit aussi ! ». Des raisonnements illogiques et infondés sont prononcés pour prouver que le végétalien fait aussi des choses incorrectes. La pertinence du contenu n’a pas d’importance, les discussions censées sont rares.
Cole et Morgan (2011) ont réalisé une étude de contenu des journaux britanniques sortis en 2007. Ils en ont conclu que ceux-ci marginalisent les végétaliens. Ils les discréditent par le ridicule, les faisant passer pour des sentimentaux, des maniaques, dont le mode de vie est très difficile à tenir, voire impossible. Pour les auteurs, cela marque clairement la reproduction culturelle du spécisme et l’incitation à la végéphobie.
Anne-France Dinant
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Bribes sur le véganisme : l'antispécisme.
- Le 16/05/2022
Le spécisme et l’antispécisme... qu'est-ce?
Nous vivons dans un monde spéciste (mot inventé en 1970 par Ryder, psychologue britannique), c’est-à-dire que l’homme est placé au-dessus de toutes les autres espèces. Il décrit le spécisme comme l’« idéologie dominante qui prône la supériorité des humains sur les autres animaux, et qui demande qu’on privilégie les intérêts des premiers, aussi dérisoires soient-ils, même quand ils lèsent les intérêts fondamentaux des seconds » (Olivier, 2011). Le spécisme a comme sous-idéologie, le carnisme. « Il est l'éthos, ou l'arrière-plan culturel, qui rend le carnisme possible » (Joy, 2010).
La théorie de l’évolution (« On the Origin of Species », 1859) développée par Darwin montre que la différence entre l’homme et l’animal est une différence de degré et non de nature. Pour Cavalieri (1992), le spécisme est comparable au racisme ; celui-ci viole le principe d’égalité en accordant plus de poids aux intérêts des membres de sa propre race, quand ces intérêts sont en conflit avec ceux des membres d’une autre race (in Jeangène Vilmer, 2010).
À l’inverse, être antispéciste, c’est « ne pas faire de l’appartenance à une espèce un critère discriminant de considération morale ». Bentham (1789) incorpore dans son système éthique la base fondamentale du principe d’égalité morale : « chacun compte pour un et nul ne compte pour plus d’un ». Tous les intérêts d’un être pouvant être affectés par un acte, ceux-ci doivent être pris en compte, quel que soit l’être dont ce sont les intérêts, avec le même poids que le sont les intérêts semblables de tout autre être. À ce propos, il explique, « les français ont déjà découvert que la noirceur de la peau n’est en rien une raison pour qu’un être humain soit abandonné sans recours aux caprices d’un bourreau. On reconnaîtra peut-être un jour que le nombre de pattes, la pilosité de la peau, ou la façon dont se termine le sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes pour abandonner un être sensible à ce même sort. Et quel autre critère devrait-on prendre pour tracer la ligne infranchissable ? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être la faculté de discourir ? Mais un cheval ou un chien adultes sont incomparativement plus rationnels, et aussi ont plus de conversation, qu’un nourrisson d’un jour, d’une semaine ou même d’un mois. Et s’il en était autrement, qu’est-ce que cela changerait ? La question n’est pas : "peuvent-ils raisonner ?", ni : "peuvent-ils parler ?", mais : "peuvent-ils souffrir ?" » (in Jeangène Vilmer, 2011).
Pour Singer également (2007), « c’est la capacité à souffrir et/ou à ressentir du plaisir qui seule est capable de fournir un critère défendable pour déterminer où doit s’arrêter la prise en compte des intérêts des autres ».
Anne-France Dinant
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Bribes sur le véganisme : la satisfaction.
- Le 16/05/2022
Sujet bien plus actuel actuellement, il y a 10 ans la littérature sur le sujet était encore rare et peu de gens connaissaient ne serait-ce que le terme "vegan".
J'ai décidé de partager quelques passages de ma recherche sur le sujet:
Quelles sources de satisfaction les végans tirent-ils de leur façon de vivre ? En découle-t-il un certain bien-être ?
Lorsqu'il y a une discordance entre nos comportements (manger des animaux) et nos valeurs (l'antispécisme), nous ressentons un grand inconfort moral.
Pour diminuer celui-ci, il y a trois possibilités : changer nos comportements pour qu’ils soient en harmonie avec nos valeurs, changer nos valeurs pour qu’elles correspondent à nos comportements, ou changer la perception que nous avons de nos comportements de façon à ce qu’ils semblent cohérents avec nos valeurs.
Les végans privilégient la première possibilité, en essayant de rapprocher leur pratique au plus près de leurs convictions.
La majorité de l'échantillon évoque un sentiment de cohérence entre leurs valeurs intimes et leurs comportements. L'opposition à l'exploitation des animaux, de la planète, et des humains est transfiguré dans le comportement des personnes véganes, par le boycott des produits provoquant le souffrance animale. Ce ressenti peut mener à une meilleure perception de soi. Il peut découler une certaine satisfaction de cette cohérence et de cette meilleure perception de soi.
Le mieux-être ressenti peut également être physique, et se manifester par une meilleure forme, moins de maladies, de douleurs et d'allergies.
Le véganisme en tant que mode de vie altruiste, peut certes mener à des bénéfices personnels, bien que ceux-ci ne soient pas le but recherché.
Nous posons l'hypothèse que le bien-être exprimé par la majorité de notre échantillon correspondrait à la diminution de l'inconfort moral expliqué ci-dessus. En effet, ces personnes doivent aussi apprendre à vivre avec la conscience de la réalité de l'exploitation animale fondé sur le spécisme, et côtoyer au quotidien la souffrante et la mort des animaux. Anne-France Dinant